Le conte populaire de la sorcière de Koestlach est transcrit pour la première fois au XIXème siècle par le poète Alsacien Auguste Stoeber.
Il y avait à Koestlach, non loin de Ferrette, une vieille femme, acariâtre et maniaque, qui avait pour servante une fille de toute beauté.
Cette vieille femme ne savait que faire pour contrarier la belle fille dont elle était profondément jalouse et qui en vain ne rêvait que de la quitter.
La journée finie, elle la forçait à filer, à tricoter et raccommoder jusqu'à minuit, après quoi elle l'enfermait, rompue de fatigue dans une petite chambre. Le lendemain, il lui fallait se lever avec le jour. Chaque fois qu'elle voulut prendre congé de la vieille femme, celle-ci réussit à la retenir avec des promesses et des flatteries.
Elle ne fut donc pas peu étonnée qu'un certain soir, sa maîtresse l'envoya au lit aussitôt après le souper.
Cette nuit-là, la servante, étonnée par tant de largesses, fut réveillée par un caractéristique bourdonnement de rouets qui venait de la grande pièce voisine. Elle se dressa et aperçut le trou de serrure qui était lumineux. Elle appliqua son œil contre le trou lumineux et que ne vit-elle pas ?
Placés en rond, de grands bouchons de paille comme on en place sur les rosiers pour les empêcher de geler, filaient du lin et ils étaient surmontés de têtes humaines qui dodelinaient en cadence et filaient le lin tant qu'ils pouvaient, de là ce bourdonnement. La fiévreuse servante, épouvantée, courut se cacher sous ses couvertures.
Le lendemain matin, elle exigea cette fois sa liberté et ses gages, noua son baluchon et franchit sans regrets le seuil de la demeure de la vieille, qui après de bonnes paroles sans effet, lui dit, avec un air menaçant, à l'oreille : "Je sais pourquoi tu pars. Mais gare à toi si tu dis ce que tu as vu hier chez moi à âme qui vive, je saurais te retrouver partout où tu es et je t'en ferai repentir". La servante promit de tenir sa langue …
Trois années passèrent, durant lesquelles la langue de la belle fille la démangea fortement.
Un soir à la veillée, n'y tenant plus, elle confia donc à quelques amies ce qu'elle avait vu de la mystérieuse réunion nocturne des sorcières comme la description des tresses de paille à têtes humaines. Toute la juvénile assistance frissonna.
Le lendemain matin, la belle fille ne put faire un mouvement. Ses membres avaient fortement enflé, si bien qu'elle ressemblait à une vessie de cochon remplie d'air. De plus, elle avait une grande fièvre. Tout épouvantable qu'elle était à regarder, aucun médecin ne put la guérir.
Or, quelques semaines plus tard, un jeune garçon qui l'aimait depuis l'enfance, revint une nuit au bercail, à Koestlach, après quelques années d'absence. Ses qualifications en poche, il était pressé de revoir sa belle. Il prit donc au plus court et traversa la forêt non loin du plateau des sorcières. Soudain, il s'arrêta, glacé de terreur qu'il était …
Dans une clairière, autour d'un arbre, la vieille femme ensorceleuse présidait une assemblée diabolique de bouchons de paille à têtes humaines. Entre autres méfaits divulgués, elle leur disait : "J'ai joué un bon tour à ma jolie servante qui est devenue un épouvantail". Toutes ses pareilles la complimentèrent de lui avoir joué un si vilain tour ! L'une d'elles ajouta encore : "Si elle prenait un bain de pied dans le lait des trois plus vieilles vaches noires du village, elle serait immédiatement guérie, mais elle ne saura jamais quoi faire. Le sort est bien jeté !".
L'aube pointa et le coq chanta : les sorcières disparurent. Le garçon, tout tremblant d'être découvert, continua son chemin, se demandant qui pouvait bien être cette servante qui avait reçu un sort de la vieille sorcière.
Arrivé à Koestlach, il entra le sourire aux lèvres dans la maison de sa belle et tout ce qu'il trouva, ce fut un être qui ressemblait à une vessie de cochon remplie d'air. Aussitôt, le moment de désillusion passé, il indiqua à des parents le remède qui agit presque aussitôt et la malade retrouva rapidement sa santé et toute sa belle fraîcheur.
On demanda au jeune homme ce qu'on devait lui donner pour le récompenser. Il se contenta de répondre : "Rien ne me ferait tant plaisir que si vous me donniez votre fille elle-même". Celle-ci consentit. On ne tarda pas à célébrer les noces. La vieille sorcière en creva de dépit !
Analyse de la véracité d'une légende
Plusieurs versions ce conte oral du riche Sundgau légendaire existent, les plus connues étant celles de Dadelsen, Variot, Higelin, Stinzi …
Mais celle qui semblerait être la plus fidèle est celle du poète alsacien Auguste Stoeber (1808 – 1884) qui a transcrit le premier ce conte populaire d'après le récit encore vivace et intact d'une couturière de Zimmersheim.
Cette incontournable légende fait intervenir la sorcière comme jeteuse de sort et nous montre la réalité du Hexenbaum (l'arbre des sorcières) autour duquel elles se réunissent pour fêter leur sabbat.
A Koestlach, pareil endroit existe : c'est le Hexenplatz sur le Kugele qui domine la localité, vers Moernach.
Il passe en effet pour être un ancien lieu de rencontre des sorcières du village, d'autant plus que le site fortifié aux origines préhistoriques puis romaines et féodales ainsi que la tradition d'un ancien culte païen de type arboricole, qui survit dans le patronage de la chapelle de Notre Dame des Trois Chênes au pied de cette colline, ne sont là en rien pour démentir !
Source : Sundgau week-end – auteur : Paul-Bernard Munch
Le film de la sorcière de Koestlach :
Paradoxe films et Animation Jeunesse du Jura Alsacien ont réalisés un court métrage dans le cadre d'un atelier cinéma à Ferrette dans le Sundgau en 2003
Studio grandeur nature pour les dix-neuf jeunes inscrits au premier CLSH (centre de loisirs sans hébergement) de l'été 2003 à Koestlach sur le thème "Tous les talents sur scènes".
Les enfants ont montré leurs talents à interpréter une légende locale, sujet d'un court-métrage.
Pour voir la vidéo de la Sorcière de Koestlach cliquez sur www.ma-video.france3.fr
Réalisation :
Court métrage réalisé dans le cadre d'un atelier cinéma à Ferrette dans le Sundgau en 2003 par www.atelier-cinema.com (cette adresse n'existe plus)